Quantcast
Channel: Le carnet économique de Gilles Le Blanc » innovation
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

La bataille de l’éclairage (II)

$
0
0

Après une petite éclipse, conséquence d’une intense activité à l’occasion de la semaine nationale de l’industrie, retour sur les ampoules et les rapides bouleversements intervenus ces dernières années dans ce secteur. Au delà de son intérêt propre, ce cas nous semble particulièrement intéressant car il offre une expérience concrète les enjeux et conditions de la transition environnementale. Celle-ci soulève en effet de façon générale trois questions critiques : i) comment valoriser de façon économique les innovations « vertes » pour les rendre acceptables et largement adoptées par tous ?, ii) quelles technologies choisir et soutenir ?, iii) qui doivent être les acteurs moteurs du processus (les entreprises en place, les nouveaux entrants, le régulateur) ?

Le choix de privilégier l’éclairage pour mettre en œuvre une démarche d’efficacité énergétique se justifie facilement par les gains immédiatement accessibles. La technologie dominante de l’ampoule à incandescence est en effet très inefficace. Seulement 10% de la puissance électrique utilisée produit du rayonnement lumineux utile pour nos yeux, le reste étant dissipé en chaleur et émissions infra-rouges. Leur rendement est donc faible (14 à 25 lumens par watt consommé) et de plus leur durée de vie moyenne est de seulement 1000 heures (ce qui équivaut à un an pour 4 heures de fonctionnement par jour). Pour les ménages, dont l’éclairage représente de 10 à 15% de la facture d’électricité, une meilleure efficacité se traduit par un gain économique significatif. Il en est bien sûr de même pour l’éclairage public. Le gain environnemental collectif visé par l’introduction de nouvelles ampoules est ainsi une forte réduction de la consommation d’énergie (électrique). Comme on le verra juste après, plusieurs technologies peuvent proposer une véritable rupture en termes d’efficacité dans l’éclairage, ce qui n’est pas encore ou toujours le cas pour les autres fonctions consommatrices d’énergie du foyer (chauffage, cuisson, eau chaude). Il est donc logique de porter en premier l’effort dans ce domaine, même si le bilan environnemental restera forcément modeste (par rapport au chauffage par exemple), à la fois car les solutions alternatives sont déjà disponibles, mais aussi dans une démarche de pédagogie par l’exemple de l’efficacité énergétique.

Se pose alors la question des substituts possibles à encourager et diffuser. L’éclairage présente sur ce point une caractéristique d’une importance majeure, commune à la plupart des questions environnementales : la variété des technologies possibles. Trois solutions de nature différente rivalisent en effet pour remplacer l’ampoule à incandescence dans l’éclairage privé et public : l’ampoule fluo-compacte, l’halogène et le LED. Le point clé est qu’il s’agit de technologies complètement distinctes, recourant à des principes physiques différents. Dans le premier cas, c’est la décharge électrique dans un mélange composé de vapeur de mercure et d’un gaz noble qui produit un rayonnement ultra-violet, absorbé ensuite par une poudre fluorescente recouvrant la paroi interne de l’ampoule, et restitué à l’extérieur sous forme de lumière visible. L’halogène reprend pour sa part le principe du filament à incandescence, mais en remplaçant le vide de l’ampoule traditionnel par un mélange de gaz noble et d’un gaz halogéné. La dégradation habituelle du filament est alors enrayée car les atomes de tungstène évaporés se mélangent au gaz d’halogène, ce qui leur évite de se condenser sur la paroi de l’ampoule. Lorsque ces composés rentrent en contact du filament chaud, ils se dissocient, ce qui régénère celui-ci par dépôt de tungstène. Ce procédé chimique allonge la durée de vie, autorise des formats plus compacts et permet une température de filament plus élevé, tous ces facteurs améliorant l’efficacité énergétique. Enfin, le LED est issu du monde de l’électronique. L’électricité est transformée en lumière dans un cristal solide composé de matériaux semi-conducteurs. Le rendement est très élevé car l’éclairage ne résulte pas d’un échauffement de matière mais des propriétés de structure du matériau (un semi conducteur présente des bande d’énergie incomplète dites de conduction et des bandes saturées appelées bandes de valence, le passage d’un électron de l’une à l’autre provoque l’émission de photons). Dans un tel environnement technologique, l’effort de R&D entrepris sur une solution particulière n’a aucune utilité pour les autres, puisqu’elles sont indépendantes. Des entreprises variées, issues de secteurs différents, peuvent alors entrer sur le marché, selon les priorités, compétences et moyens de chacune. Tant qu’aucune technologie ne s’impose de façon incontestable, il est important pour l’action publique de favoriser la diversité des solutions explorées et des innovations proposées.

Ce qui nous amène à la troisième dimension critique de l’innovation environnementale. Dans de nombreux cas, il s’agit en effet de remplacer des biens ou services déjà existants par des offres présentant un gain environnemental. Faut-il alors s’appuyer sur les firmes en place sur le marché, favoriser des start ups radicalement innovante, ou piloter le processus par la réglementation ? L’Union européenne a choisi la troisième voie en imposant un calendrier d’interdiction des ampoules à incandescence. Cette solution présente l’avantage de la rapidité et de la simplicité. Elle n’est néanmoins pas neutre en termes de concurrence et d’orientation technologique. On a vu dans le précédent post que le marché des ampoules est un oligopole, concentré autour de quelques grands acteurs. Une transition rapide revient en pratique à confier à ces firmes le rythme et l’orientation technologique des solutions alternatives. Fort logiquement, ceux-ci ont d’abord privilégié la technologie fluo-compacte qui était disponible à échelle industrielle (mais pose des problèmes environnementaux en raison du mercure présent dans les ampoules) puis ont mis l’accent sur les éco-halogènes. Ils ont réussi avec succès à limiter les menaces d’entrée d’acteurs nouveaux en étant présent sur les trois trajectoires technologiques possibles (mais avec forcément des moyens réduits donc une innovation moins rapide). Tout cela limite bien entendu l’entrée réussie sur le marché de start ups très innovantes, qui pourraient proposer des solutions spécialisées plus radicales. Cela est particulièrement vrai dans le domaine du LED, par nature le plus éloigné des acteurs traditionnels de l’éclairage à incandescence.

Soucieuse de ces résultats, consciente des enjeux à terme du LED, et observant les dynamiques d’innovation très rapides portées par de nouveaux acteurs aujourd’hui aux Etats-Unis et en Asie, la Commission a lancé une vaste consultation pour imaginer les moyens d’éviter que l’Europe soit décrochée définitivement dans ce domaine. L’enjeu dépasse les seules considérations économiques du marché en question. Comme rappelé au début, la politique menée au niveau européen dans l’éclairage se voulait pédagogique par sa méthode et son volontarisme, et précurseur d’initiatives comparables pour améliorer l’efficacité énergétique. Un échec ou demi-succès aurait alors des conséquences dépassant largement le seul cas des ampoules. Or le maintien renforcé de l’oligopole initial n’est pas sans lien avec les prix élevés pratiqués des ampoules « vertes », cinq à quinze fois supérieurs aux ampoules traditionnelles. Le consommateur qui paye aujourd’hui ces produits doit en réalité accepter un pari sur les économies d’énergie annoncées, la durée de vie, leur qualité de fonctionnement. Autant de choses qu’il ne découvrira qu’avec l’expérience et il est décisif de ne pas trahir cette confiance initiale, car ce serait alors l’acceptabilité générale des innovations vertes du futur qui serait gravement menacée !


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Latest Images

Pangarap Quotes

Pangarap Quotes

Vimeo 10.7.0 by Vimeo.com, Inc.

Vimeo 10.7.0 by Vimeo.com, Inc.

HANGAD

HANGAD

MAKAKAALAM

MAKAKAALAM

Doodle Jump 3.11.30 by Lima Sky LLC

Doodle Jump 3.11.30 by Lima Sky LLC

Trending Articles


Break up Quotes Tagalog Love Quote – Broken Hearted Quotes Tagalog


Gwapo Quotes : Babaero Quotes


Winx Club para colorear


Girasoles para colorear


Tiburon para colorear


Renos para colorear


Dromedario para colorear


Long Distance Relationship Tagalog Love Quotes


Tropa Quotes


Mga Tala sa “Unang Siglo ng Nobela sa Filipinas” (2009) ni Virgilio S. Almario


Ang Nobela sa “From Darna to ZsaZsa Zaturnnah: Desire and Fantasy, Essays on...


Kung Fu Panda para colorear


Libros para colorear


Mandalas de flores para colorear


Dibujos para colorear de perros


Toro para colorear


mayabang Quotes, Torpe Quotes, tanga Quotes


Love Quotes Tagalog


RE: Mutton Pies (mely)


El Vibora (1971) by Francisco V. Coching and Federico C. Javinal





Latest Images

Pangarap Quotes

Pangarap Quotes

Vimeo 10.7.0 by Vimeo.com, Inc.

Vimeo 10.7.0 by Vimeo.com, Inc.

HANGAD

HANGAD

MAKAKAALAM

MAKAKAALAM

Doodle Jump 3.11.30 by Lima Sky LLC

Doodle Jump 3.11.30 by Lima Sky LLC